20100425

Angil par Richard Robert

ANGIL & THE HIDDENTRACKS – THE AND


Des transmissions de pensées, des partages de sensations, des combinaisons d’affects, des croisements de voix et de regards, des mélanges de souffles et de gestes… Voilà ce qui se joue dans The And, le troisième album d’Angil And The Hiddentracks. Après le joyeux branle-bas sonore et poétique d’Oulipo Saliva, la société musicale réunie autour de Mickaël Mottet revient à un songwriting plus limpide, plus immédiat, laissant la part belle à la mélodie. Sauf qu’il se trame toujours autre chose derrière les interactions instrumentales et la très humaine mécanique des fluides qui soudent ce petit monde.

The And pousse un cran plus loin une magie qui était déjà à l’œuvre dans Oulipo Saliva : il transforme tout ce qui fonde la beauté d’un rendez-vous collectif comme celui-ci en matière vibrée, en onde de désir, voire en pure décharge émotionnelle. Dans l’art pas si simple de l’écoute mutuelle, les membres d’Angil ont franchi un palier supplémentaire. Enregistré live en studio dans la lumineuse quiétude de l’été 2009, The And traduit en lignes musicales les contours d’un espace chaleureux, d’un cercle amical qu’agrandissent les présences passantes de voix complices – Françoiz Breut, Raymonde Howard, Jim Putnam (Radar Bros), Laetitia Sadier, Half Asleep, Emma Pollock… Il capture l’incandescence d’un moment de partage forcément unique, forcément fugace, forcément intense.

The And a quelque chose d’un instantané ; mais c’est un instantané qui ne manque pas de perspective, de profondeur de champ. Un bloc brut de présent dont le passé, apparaissant maintes fois en filigrane dans les textes de Mickaël Mottet, dessine l’ombre portée, le juste prolongement. Un présent que la chaleur du souvenir vient sans cesse éclairer. The And est ce disque où de bonnes âmes, unies par la mémoire de multiples expériences communes, se rassemblent comme si c’était la dernière fois, comme si c’était là l’ultime trace qu’elles allaient abandonner dans ce monde.

Ce disque aurait pu s’intituler The End, mais il s’appelle The And. Peut-être parce qu’entre un mot qui trace un lien (and) et un mot qui annonce la fin (end), Mickaël Mottet a préféré choisir le premier. Sans ignorer que toute forme de lien – entre aujourd’hui et hier, entre soi et les autres – est la plus belle fin à laquelle puisse aspirer une vie d’homme.

Richard Robert